Jean-François Rauzier est un aventurier du regard.
A travers la photographie publicitaire et plasticienne en argentique, la peinture et la sculpture, il cherche. C’est avec la photographie numérique qu’il a réussi à concrétiser une nouvelle vision.
La fascination de Jean-François Rauzier pour l’histoire de l’art, pour la Renaissance et l’imagerie médiévale en particulier, nous embarque dans une nouvelle façon de regarder. En revenant aux questionnements sur la représentation du réel, il utilise les outils d’aujourd’hui pour nous permettre de voir autrement, de penser autrement. Les artistes de la Renaissance, en revenant aux connaissances grecques et aux techniques basées sur les découvertes de Thalès et d’Euclide, accèdent à une vision de l’homme comme centre de l’univers. Désormais l’espace représenté n’est plus une perception idéalisée, liée à Dieu, mais un point de vue humaniste, rationnel. La multiplication de ces points de vue dans l’oeuvre de Jean-François Rauzier nous impose un travail différent en tant que spectateur. Nous devenons actifs. Au premier abord, le tirage panoramique s’impose comme une représentation classique. La perspective a été «corrigée» pour mieux permettre à l’oeil occidental de retrouver ses repères culturels. Nous avons devant nous un immeuble en perspective. C’est à l’approche que l’on se perd, chaque fenêtre est un point de vue différent. Autant de fenêtres, autant de points de vue! Chaque photographie est un univers à part entière et c’est la juxtaposition de ces univers, en en créant un autre, qui provoque le trouble. C’est une fractalisation de la vision… une métonymie visuelle. L’homme n’est plus le point-centre de l’univers, il est inclus dans l’univers, à la fois dans l’espace et dans son temps, car la dimension du temps est ici également importante.
L’instantané de la photographie n’existe plus, nous entrons dans le temps même de la création. Chaque élément de l’oeuvre possède son instant et la juxtaposition de ces instants n’en n’est pourtant pas la somme pour le spectateur. Nous pénétrons dans un temps qui n’est plus linéaire. Il n’y a plus de début, ni de fin. On pénètre, comme nous le montre l’artiste dans ses oeuvres, dans un univers hors du temps de l’humain, un temps universel.
Mais d’où l’humain n’est pas absent. Sa représentation est également universelle, ou se le veut : un personnage «neutre» affublé d’un chapeau, d’un imperméable (notre vision de l’anonymat). En plus il est «cloné». Ce n’est pas un acteur mais un témoin, dans une apparente résignation face à son environnement. Il nous impose un constat : la fin de la perspective euclidienne.
En tout cas la fin d’un monde, où l’image standardisée s’est imposée dans les moindres recoins de nos vies, où même nos vies deviennent images de soi… Peut-être est-il nécessaire, pour échapper à cette impasse où la virtualité prend le dessus sur notre réalité, de voir différemment, de façon moins «globale» mais plus universelle.
Henri COUDOUX
Bibliothécaire à la Maison Européenne de la Photographie

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